samedi 29 novembre 2008

Un Roi sur un Trône Endormi


Au musée

Le fond flou et informe s’évapore peu à peu de mes
yeux.
Toute cette vie d’artifices que le peintre imprime
si bien dans sa toile défie le temps plus sûrement que la
mémoire de nos contemporains qui toujours ont la
fâcheuse tendance à s’engouffrer dans un passé
lointain qu’on appelle l’oubli. Fier comme un
mousquetaire, j’haranguais la toile de toute mon
incompréhension prêt à la pénétrer comme un
Fontana, un Burri en folie. Promis un jour je ferai
semblant de comprendre juste histoire d’énerver.
Les longs couloirs blancs de la clinique du Moma de
stE s’étendaient interminables jusqu’au plafond où
même les murs n’osaient aller. L’art aujourd’hui s’est
d’oser hésiter. Elle est là, elle déblatère son si humble
discours d’histoire de l’art qui dit toujours la même
chose « t’es vraiment con de ne pas y avoir pensé à
l’universalité de la causalité du poil de pinceau dans
l’œil de l’artiste ». Ébahit, je la regarde un rien
admirateur déballer de sa douce langue tous ces
mots qui auraient pu être les miens en prenant tout
cela au sérieux. Du sérieux, je n’en ai plus du tout pour tout
cela aussi décidais-je sur le champ de tourner les
talons qu’elle n’avait pas et de m’enfuir avec mes
basquettes comme un lâche pour voir dans la salle à
côté si j’y suis et elle avec.
Grand n’est pas le terme, immense serait plus exact
là devant moi, lové contre un mur, frémissant à peine
de la durée de ses jours, peinte et vieillit pour moi, un
immense cloaque de marron terre, de beige, de bleu
coulé de rouge, rayé de noir par un diamant
gourmant tournant d'un 45 tours des années quatre
vingt, sculpté par un Cros Magnon, enfin en un mot
"THE" tableau accroché là comme au cimetière dans
ce musée Panthéon de la lumière où dans le faux
noir d’une salle aux néons blafards on vient vous
expliquer ce qu’est la lumière ! Si les tableaux ne sont
pas faits pour être accrochés dans un salon comme
disait Picassiette, ils ne le sont pas plus pour nous
traîner dans un musée pays des boutonneux refoulés
par les PC déchaînés. Débitant là ma prose rageuse baignée de
vitriole, j’attendais mon breakfast avec Tiffany, en
vain.
Coulant de verre en toile, de plaque en tôle, rien n’y
faisait dans le caveau de mon cerveau traînaient
toujours de longs … à pied.
Les deux œuvres accrochée au bout de mes jambes
sans fin me captivaient tandis que le bling-bling de la
caisse enregistreuse raisonnait en sonnant la fin de
la récréation, je me retrouvais seul sur le parvis
comme j’y étais entré, dans le vent froid et pluvieux
sous cet océan de nuages gris indifférence. On est
quand même content d’y être allé et surtout d’en être
sorti.

La Coupure


Les yeux rivés sur la Lumière se détournant des flammes
qui l’entourent n’ayant pour seul espoir que ce qui dure et
non plus ce qui est.
Elle ouvrit la porte se retourna un instant sur les cendres
sombres de ce passé si rougeoyant qui avait vu ses joues
s’empourprer si naturellement. Ici elle avait tant aimé, ici
elle avait vécu, elle s’emmitoufla dans la nuit et disparut
d’un sourire résigné sous un réverbère au coin de la rue.
Ce qui se passe en haut des cuisses d’une femme se passe
dans la tête d’un homme. Après les "non pas ce soir" il
s’était retiré avec l’ombre de l’oubli, seule une larme
témoignait de son passage de sa maigre existence qui avait
causé tant de tracas qu’elle n’avait pu s’y abandonner,
dégingolant sur le trottoir noir de son oubli.
Tout autour grisés de leur existence tels des cafards
apeurés par la lumière de la conscience, les voisins,
indifférents, courent et gigotent dans leurs salons autour de
la grande soirée télévisée. Vissés sur leur siège, c’est déjà
tout un exploit de se lever. La bouche entrouverte, ils
gobent le vomi que des inconscients comme eux veulent
bien y ravaler. Trottinant dans le caniveau que forme la
rue sombre en bas, l’âme triste de ce personnage a retrouvé
la morne existence d’une personne in-aimée.
Les ors des stucs, les fers des piques sur leurs balcons
seuls observent, pétrifiés, cet épouvantable spectacle d’une
modernité abandonnée. Où est-il le beau futur tant désiré,
les cités dans les étoiles, les grands chevaliers Jedi ? Nous
sommes vendredi et nous nous en sommes détournés
croyant que modernité rime avec infidélité. La plante sans
racine meurt, et l’homme ? La rose de l’amour se souvient
qu’elle fut ronce et dans ce ciel gris s’arme d’épines contre
elle même. L’oubli ce doux compagnon qui nous fait
perdre notre bonheur en croyant le gagner. Insatiable chef
d’orchestre qui dans le silence compose les plus belles
mélodies son ombre disparaît jusque dans mon souvenir.
Les peut être nous tuent. Notre médiocrité qui passe entre
nos doigts ne peut que nous faire croire un instant en ses
funestes desseins. Pourtant le tic-tac infernal de ces
horloges robotisées qui dans le silence décomptent
sournoisement les heures n’en finissent pas de trotter dans
nos têtes. Finis les compas qui abhorrent les heures et
dessinent de leurs immenses jambes des courbes sur la
Terre. L’age raccourcit tout, la mémoire, la taille et les
idées. Pourtant au fond tout grogne comme au premier
jour, comme au premier rendez vous tout palpite de cette
attente exaspérée, de cette envie émoussée.